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biomimetisme

Qu’est-ce que le biomimétisme ?

Le biomimétisme — ou imitation du vivant — est aujourd’hui considéré comme la clé d’une innovation respectueuse de l’environnement. Les ingénieurs et inventeurs puisent leur inspiration dans les procédés et principes ingénieux développés par la nature depuis des millions d’années.

Définition du biomimétisme : observer, analyser, reproduire

Le biomimétisme consiste à observer, analyser et surtout s’inspirer de l’écosystème naturel pour développer des solutions technologiques durables. La nature a su, à travers plusieurs milliards d’années d’évolution, mettre au point des mécanismes formidablement optimisés. Ne pas s’en inspirer serait alors contre-productif.

Optimisés pour leur environnement, fonctionnant avec peu de matière première, à basse température, ou puisant dans l’énergie solaire… les systèmes développés en respectant les préceptes du biomimétisme se veulent complexes et circulaires, multifonctionnels et surtout émetteurs de peu de déchets [1].

Le biomimétisme dépasse, et de loin, la simple volonté d’innover en respectant l’environnement. Il s’agit d’un champ transdisciplinaire qui marie biologie, ingénierie, chimie ou physique, pour ne citer qu’elles. L’objectif étant de décrypter, puis de transposer les incroyables solutions naturelles vers nos technologies, pour les rendre plus vertes et durables [2].

Domaines d’application

Le biomimétisme n’est pas qu’un idéal atteint seulement dans la littérature d’anticipation ou les scenarii de science-fiction. Il s’agit d’une réalité tangible, dont de nombreux domaines profitent d’ores et déjà. Par exemple, la chimie verte (également appelée « chimie douce ») est l’un des champs de développement qui profitent le plus du biomimétisme. 

Du verre « vert » produit à température ambiante

Parmi les solutions résultantes du biomimétisme, on pourra citer la fabrication de verre « à froid ». À l’origine de cette inspiration, on trouve les diatomées, des microalgues unicellulaires. Présentes dans les océans et les eaux douces, leur particularité est de posséder une carapace en silice vitreuse très fine, la frustule [3].

Les diatomées ont la capacité de biosynthétiser une enveloppe protectrice composée d’un verre d’une pureté surprenante, et ce, à température et pression ambiantes. Pour y parvenir, elles puisent dans les éléments présents naturellement dans leur environnement aquatique. Processus particulièrement économe en énergie, il a inspiré le monde de la recherche, plus précisément Jacques Livage, qui a mis au point dans les années 1990 un procédé appelé voie sol-gel.

Ce procédé a ainsi permis de proposer une alternative aux méthodes de production appliquées dans les verrières traditionnelles. Dans ces dernières, la silice (l’un des composés principaux du verre) doit être portée à une température extrême (environ 1500 °C) pour entrer en état de fusion, et ainsi former le verre. Ce procédé nécessite d’énormes dépenses énergétiques et émet beaucoup de CO2.

De la soie d’araignée artificielle plus résistante que du kevlar

Autre application, dans le domaine des matériaux haute performance cette fois. Certainement l’innovation la plus marquante à ce jour dans ce domaine, la soie artificielle s’inspire de la soie naturelle produite par les araignées. Cette dernière possède des propriétés mécaniques exceptionnelles. À diamètre égal, elle est 5 fois plus résistante que l’acier tout en étant plus légère et élastique [4].

Sa ténacité (capacité à absorber l’énergie avant de se rompre) est supérieure à celle du kevlar, utilisé notamment pour les gilets pare-balles. Depuis des décennies, les scientifiques tentent de reproduire la composition spécifique à la soie produite par les arachnides pour en faire un matériau viable. La structure naturelle de cette dernière, composée de différentes protéines se liant de façon très particulière, rend sa reproduction artificielle extrêmement difficile.

C’est en 2017 que des chercheurs de l’université de Cambridge et de l’université de Boston ont récolté les fruits de leurs efforts. Leur méthode repose sur l’insertion de gènes d’araignée dans des bactéries et des levures, qui se mettent alors à « bio-fabriquer » la protéine souhaitée. 

Le matériau ainsi produit est utilisé dans des domaines variés, allant du biomédical (fibres de suture et prothèses), à la construction (câbles, toiles architecturales) sans oublier l’aéronautique (composites structurels allégés).

Une sonde intracrânienne inspirée du rostre d’une guêpe

Autre exemple de biomimétisme, dans la robotique cette fois, est une sonde intracrânienne, inspirée de l’organe de ponte de la guêpe de Norton (Megarhyssa nortoni). L’appendice de la guêpe, long et fin, perce le bois sans se plier grâce à des dents inversées et une forme « zip-lock ». Sa forme unique permet aux trois segments qui la composent de se stabiliser et de se déplacer indépendamment les uns des autres [5].

Suite à l’étude approfondie de l’appendice de la guêpe de Norton, les ingénieurs ont créé une sonde médicale flexible en polymère souple. Capable de naviguer dans le cerveau sans endommager les tissus critiques du patient, la sonde a permis d’envisager de nouvelles méthodes de soins. La sonde utilise des segments mobiles, adaptant sa forme aux courbes des tissus mous. Elle alterne entre des mouvements de traction et de poussée pour être aussi efficace que son modèle d’inspiration.

De plus, la sonde est équipée d’éléments sensoriels semblables à ceux de la guêpe, qui permettent de créer une cartographie par rayons X qui assure d’éviter les structures les plus sensibles du cerveau.

En parcourant les applications actuelles du biomimétisme, il devient évident qu’il s’agit d’une approche loin d’être un fantasme d’ingénieur. Plus encore, face à l’urgence environnementale, il représente un impératif de conception. Le vivant inspire, et ce ne sont pas 3,8 milliards d’années d’évolution qui contrediront cela. La compréhension des organismes, qu’ils soient végétaux, animaux ou micro cellulaires, est ainsi une source particulièrement fertile d’inspiration, tant par leurs fonctionnements, leur mécanique du mouvement ou même leurs matériaux actifs. 

[1] Le Biomimétisme : convergence de disciplines (Jérôme Casas, 2012)

[2] Biomimétisme : le vivant, source d’innovation, dans le Journal de l’École de Paris (Antonio Molina, Kalina Raskin, 2018)

[3] Biomimetics for Sustainable Developments – A Literature Overview (Anne-Sophie Jatsh et al., 2023)

[4] Bioinspired supramolecular fibers drawn from a multiphase self-assembled hydrogel (Yuchao Wu et al., 2017)

[5] Biomimetics with Trade-Offs (Julian Vincent, 2023)